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REVUE DE PSYCHIATRIE

Pouvoir et Idiotie : de la Révolution tunisienne, aux "faits divers"...

mardi 8 février 2011.
 

"Le pouvoir rend idiot", disait Brel, et conséquemment "Le pouvoir absolu, rend absolument idiot".*

Les déboires éclatants de la diplomatie française sur le terrain de la Révolution tunisienne, illustrent sans difficulté l’invective du poète à l’endroit du pouvoir. Ils illustrent la facilité des gens de pouvoir à perdre le sens des réalités, dès lors qu’ils se sentent investis et protégés par leur statut. Ils illustrent plus largement, et cela touche tout l’Occident en général, l’indécrottable suffisance des puissants, à tenir un discours qui ne soit que - comme dirait Lacan - du pur semblant. Et les semblants ont vacillé dans le fil retors des révolutions arabes en marche... dont nul ne connait l’issue. Ces révolutions non encore trahies comme dirait Lev Davidovitch B..., sont en premier lieu un pied de nez au désir de mainmise et aux appétits de contrôle de l’Occident jamais démentis. L’impérialisme post-colonial a peut-être dans le monde arabe, en ce début 2011, fait long feu. Soyons naïfs juste un instant...

Les errances de la diplomatie française, vis à vis des réalités de l’enfer tunisien, alors qu’il est clair que comme toujours " tout le monde savait", témoignent ainsi de la prégnance d’un jeu qui n’est que de dupes, où le seul objectif est le maintien à tout prix des passables intérêts des dominants et le sacrifice de celui des dominés, sacrifice régulièrement masqué/ autorisé par la production idéologique d’un discours vertueux dont l’effet est de boucler, capitonner la domination des puissants. Les discours émancipateurs, vantant la démocratie, et les droits de l’homme, ne sont ainsi souvent que l’alibi nauséabond des politiques d’exploitation et de prédation de l’Occident à l’endroit des pays dominés. (Cf Jean Ziegler).

Le pouvoir, par structure, invite constamment à la mise en oeuvre de processus de défense, où clivage et déni, règnent en maîtres, pour soutenir les caprices et les loufoqueries de ses représentants, et faire passer l’intérêt du singulier après celui hypostasié du collectif : la fameuse omelette et le devenir toujours moribond de ses œufs.

Cela vaut à l’échelle de l’individu, comme à celle des collectifs borgnes nommés institutions. La jouissance du pouvoir ne se joue pas sur le terrain de jeu du refoulement. Ici il est question davantage de Machiavel et Hobbes, que de Freud.

De telle manière que l’exercice politique ne saurait se dissocier aisément d’une pratique du mensonge et d’un art consommé de tromper son prochain. Les sophistes grecs, aussi bien qu’Aristote et ses traités de réthorique (celle-ci n’étant pour Platon (Gorgias) qu’un art élaboré du mensonge), sont là pour le rappeler.

Il suffit aussi d’énumérer les affaires liées à la (dé) raison d’Etat, confondue parfois avec la déraison de quelques uns, hissés hauts, pour en faire le banal constat, au-delà des aboutissements de certains grands Récits dans le nec plus ultra des fosses communes de l’humanité.

Le pouvoir encore, juridique cette fois : le syndicat de la magistrature s’indigne verbeusement de l’indignation de N. Sarkozy (dont il stigmatise "l’autisme") - et des sanctions éventuelles qui pourraient affecter certains préposés du corps magistral paraissant, aux yeux de l’opinion, avoir commis quelque lourde bourde à l’origine d’un terrible fait divers. Aux accusations d’irresponsabilité, répondent celles d’un "manque de moyens" (mis pourtant en lumières assez crues depuis Outreau - sans que rien ne change, il suffit de le demander aux dits "experts" -), légitimant apparemment ainsi l’irresponsabilité, celle en tout cas qui semble portée à la médiatisation... (Un petit rien compassionnel flattant les identifications victimaires d’un côté, et la suffisance magistrale de l’autre, selon laquelle, le vice est à chercher ailleurs). "Ce n’est pas moi c’est lui"... le coupable c’est toujours l’autre. Nul battement de coulpe n’est à attendre des Présidents, et des hommes de Loi : le drame de la culpabilité se situe toujours ailleurs... Systématisme qui est aussi commode que suspect.

Les autres justement, les affaires "courantes", où les justiciables triment, nul n’en saura grand chose : le pouvoir soit parle pour ne rien dire, et cela est sensé contenter l’opinion, soit fait simplement silence. A coup de force si besoin comme dans les prétoires, où le magistrat fait taire l’inconvenant... Clivages, et dénis, disions- nous, mensonges et surdité, organisent le rapport du Pouvoir à ceux sur qui il s’exerce. A ces derniers, de croire la fable qui leur est vendue : la servitude volontaire reste affaire de récit. La résistance, toujours dissidente, est avant tout la mise au clair de ces discours trompeurs qui au nom de la réalisation des idéaux, voire des triomphes de la subjectivation ( cf M. Foucault), ou de la liberté, réalise le plus pleinement, la néantisation du réel, l’assujettissement des singularités, ou la victoire du libéralisme le plus carnassier.

Querelle donc de pouvoirs... au sujet de qui ment le mieux. Le président, ses ministres, les magistrats, l’institution borgne, la raison d’Etat ?

Pragmatique : une chose est certaine, ces gens de pouvoir devraient pouvoir être régulièrement évalués ou dévalués par les citoyens ; le jeu démocratique semble promouvoir au moins tous les 5 ans, cette révision pour les politiciens aspirant à exercer au sommet de l’Etat, par le biais électoral. (Certains critiques de décliner l’offre, pointant un autre jeu de dupes. Il faut pourtant consentir à être dupé, cela s’entend de Lacan à Regis Debray. Mais ce consentement ne doit pas être sans limites...).

Il serait avisé, qu’il en soit de même, pour ceux qui - justement sans limites, et abrités par une immunité confondante- jugent leurs concitoyens. Ici il ne serait pas question d’élection, mais d’une procédure régulièrement mise à jour d’évaluation, - forme de duperie à laquelle il convient de consentir en raison de ses seules vertus "contenantes"- destinée à apprécier les compétences, non seulement technico-juridiques (savoir) mais aussi éthiques (psychologiques) des personnes appelées à exercer un pouvoir suprême sur les citoyens pour protéger davantage ces derniers d’une forme d’idiotie institutionnelle et des personnes en souffrance psychique qui n’ayant jamais été évaluées, et parfois ivres de leur omnipotence (la corruption éthique, interne, se juchant volontiers sur cette dernière) (d)évaluent néanmoins les autres...

Ces bévues, qui semblent obéir à quelque nécessité structurale, démantèlent de plus en plus la crédibilité du (Géo) Politique et de la Justice, et flattent l’envie chez certains, d’en découdre selon les attendus d’une psychologie des masses et font le lit des extrémismes idéologiques.

Frank BELLAICHE



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