Editorial
Les nouveaux marranes ?
La psychiatrie serait-elle
une science de synthèse, ou une éternelle suivante adhérant
sous certaines circonstances aux discours forts, ou aux théories en
vogue de son époque ? Science intégrative ou discours d'Arlequin
? Chambre d'écho du discours social dominant ou discipline avec une
réelle identité théorique ? Ces questions ne sont pas
tranchées, et la continuité historique de la discipline comme
le savoir de la tradition clinique continentale, ne sauraient constituer
de réponses définitives.
Avant que celles-ci se fassent jour, d'autres sont en train de fomenter La
réponse. La Réponse vient toujours de l'Autre ; qu'elle apparaisse
sous sa forme inversée ne change rien à l'affaire. Réponse
dont la portée a commencé d'imprimer des orientations et des
choix à tous les niveaux du champ d'influence de la psychiatrie. De
cela, ceux qui parlent de crise, et refont surgir le terme de politique,
font mine de prendre garde. Mais institutionnellement, académiquement,
universitairement, la cause semble être entendue et déjà
largement anticipée depuis le début des années 1990.
La psychiatrie " savante ", disons la psychiatrie comme médecine humaniste
de l'autre homme - paraphrasons Lévinas, se meurt, et seuls quelques
bonimensonges entretiennent l'illusion d'une fin différée.
La psychiatrie a fait sien le projet d'exactitude ou de l'exaction calculante
au détriment du projet de vérité (qu'on lise ou relise
Heidegger, au moment où les fameux séminaires à Zollikon
viennent d'être traduits en anglais. A quand Messieurs les éditeurs,
une version gauloise ?).
En pratique on demande aux psychiatres de faire un choix, quitte à
hâter ce choix et à l'orienter dans les chausse-trappes de la
mystification : donner des médicaments - ou - donner des médicaments
! Le psychiatre peut toujours causer et théoriser en vase clos sur
l'équation " biopsychosociale " où le bio n'est que la sauce
destinée à aménager le psychosocial comme la sauce à
l'américaine s'y exerce pour le homard mais, enfin, le destin de la
bête ne fait pas mystère
A nous donc de choisir, entre ces deux types de
dons ; à nous
de voir si cela soutient une éthique, ne serait-ce que l'éthique
" médicale ". A nous de voir si, à ce statut de
conversos que nous propose cette nouvelle bio-Imposition, il ne faut
pas préférer la solution des ancêtres de Spinoza, et
entrer en résistance, devenir des " cryptopsychiatres " en attendant
des jours salutaires. Pour cela, encore faudrait-il pouvoir renouer avec
ce que Jean Oury situe du côté de l'étonnement, qui doit
animer selon lui l'exercice d'une clinique psychiatrique authentique. Alors
que toute une formation, toute une Institution, soutient de facto,
le " ça va de soi ", qui informe une politique et une clinique du
Même.
Frank Bellaïche 03/03
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remise à jour 08 07 03
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