MEDIAS
Mythologie
dipe féministe
?
D. et A. Bartels revisitent
le mythe d'dipe, à la faveur de positions théoriques
émanant de la critique sociale, pour dénoncer les
trompe-l'il d'une interprétation influente qui insista sur deux
aspects singuliers du mythe, le parricide et l'inceste, soit bien sur
l'interprétation freudienne. Freud aurait totalement scotomisé,
selon les auteurs, tant la transgression originaire de Laïos - en traitant
la culpabilité d'dipe sur le mode projectif propre à
l'interprétation chrétienne ou biblique de la culpabilité
(si le coupable est Laïos, le fils doit porter cette culpabilité
et en être puni, lui et sa descendance) - que l'épreuve du sphinx,
ou encore le drame d'Antigone que les époques antérieures,
avec leurs lots d'interprétations auraient ainsi, elles,
privilégié.
Sous couvert de restituer la
riche multiplicité des thèmes traités dans le complexe
mythologique qui s'est organisé autour de la figure d'dipe,
les auteurs défendent un point de vue historiciste et relativiste,
qui prétend mettre en défaut Freud et ses épigones (qui
ne sont autres originellement que les fils des Sept contre Thèbes
)
sur le choix opéré dans la lecture du mythe, choix qui semble
relever d'un coup de force politique, " pseudo-scientifique " comme ils disent,
puisque destiné à prendre le relais d'un ordre patriarcal mis
en défaut par l'affaiblissement du religieux. Ce propos avait
déjà été affûté dans un article
précédent (*). Collant à une certaine
littéralité, tout en jouant sur la multiplicité des
partitions interprétatives, selon les poètes ou écrivains
grecs (Eschyle, Euripide, Sophocle, Pindare..), les époques (moyen
âge, renaissance, révolution et vingtième siècle),
les hommes de théâtres ou les penseurs qui se sont
intéressés au mythe (d'Aristote à B. Brecht), et recourant
notamment à Georges Steiner pour soutenir leur lecture politique du
mythe, ils admonestent Freud pour avoir radicalement discrédité
la moitié du genre humain pour cause de penisneid, pour avoir
douté de ses capacités de sublimation et de moralité.
A ce titre, pour les Bartels, Antigone pose à Freud un
défi.
Haro sur
l'infamie freudienne
Haro donc sur l'infamie
freudienne, à partir des hauteurs d'un discours posté dans
l'encensement des plis narratifs où tous les chats sont gris, toutes
les versions interprétatives également plausibles, avec un
gros zeste de féminisme militant quelque peu hors saison, et un reste
de critique sociale parfois caricaturale alimentant un propos qui demeure
toutefois intéressant du point de vue de la périodisation
historique qui est présentée des interprétations-types
du mythe, avec des enjeux de réception propres à chacun des
contextes historiques et sociaux évoqués.
On retiendra que la
pluralité des mondes, des contextes, des interprétations des
Bartels, vaut pour eux comme un principe de réalité incontournable
auquel doit se frotter l'interprétation freudienne dénoncée
pour ses prétentions exégétiques terminales sur le mythe,
pour sa mainmise insupportable et encore influente sur les représentations
contemporaines de la psychologie de l'enfant ; principe de
réalité de la " varité " (Lacan) des discours possibles,
et de droit susceptible de montrer le discours et la manuvre politique
d'un Freud (identifié à Créon gardien de la raison d'Etat,
lui-même identifié aux nazis. On ne peut manquer de trouver
l'équation nauséabonde) qui serait une sorte de dernier mohican
d'une société en train de faire éclater ses cadres
symboliques.
Frank
Bellaïche
Novembre
2002
Bartels D, Bartels
AL. Dialectical Anthropology 2001;26:125-35.
*Bartels D. et
A.L. ; " Oedipus, Freud and the hegemony of patriarchy " in Classical views
1998.
|